Fragments de mémoire

Réunies aujourd’hui sous le titre de « Fragments de mémoire », les œuvres de l’artiste Hennou Ben Houssine montrent un ensemble de tableaux composés d’éléments de récupération chargés de mémoire, de la plus anodine à la plus grave en passant par… un adorable libertinage convoquant à la fois la rigueur de construire et le matériau précaire destiné au rebus, le tout marié par un geste réfléchi, une allusion délicate, une intuition guidée, qui sait ?, par une forme de mémoire universelle qui traverse le temps et où les actualités d’aujourd’hui activent sous les feux de l’urgence, l’amour, source de vie intarissable.  Le climat et la couleur suggèrent chez Hennou Ben Houssine le passé, le présent et l’avenir…. L’avenir, sur ses fragments de mémoire, nous permet de reconstruire et nous appartient !

Claude Thoirain
Antécédence/Galerie Ephémère
Septembre 2017

Regards sur la peinture de Hennou BEN HOUSSINE

Devant des toiles le plus souvent abordées selon un format carré, l’artiste avoue sa prédilection pour l’approche tactile de la matière, son inclination pour un rapport manuel, sensuel, émotionnel avec le papier, le carton, le textile ou tout autre fragment du monde.
La lecture attentive de ses tableaux confirme cette option quasi couturière, artisanale, constructiviste de son esthétique. En parlant de couture, il faudrait plutôt parler d’assemblage par collage, de convocations par coup de coeur, de superpositions, d’empilements. C’est la première phase du travail.
L’artiste procède ensuite par déchirure, arrachage, enlèvement et enfin réconcilie le tout par une couleur diluée de son cru. C’est la phase ultime : la plus délicate.
Telle une archéologue du temps présent, Hennou Ben Houssine dans son mode opératoire sur champs de ruines superbes ou chaos désintégrés, exhume ici un pan de vêtement fleuri, retrouve là le témoignage jauni d’un message imprimé, ouvre des lucarnes de lumière, se met en quête des tressaillements de la Vie.
Cette entreprise de déblaiement ne va jamais sans une volonté de réorganisation du fouillis, de clarification de ces strates hasardeuses. De ce que l’on pourrait considérer dans un premier temps comme un étalage de débris hétéroclites, surgit sous ses doigts magiciens, une oeuvre plastique étrangement palpitante et signifiante.
Dans ces poèmes formels et matiéristes, le regard se promène et peut lire d’étranges combinaisons, se laisser séduire ici par un voile de soie froissée synonyme d’intimité ; là, par un échantillon opaque plus viril. Des passages furtifs sont établis entre des mondes séparés, des échos sonores rebondissent dans ces kaléidoscopes singuliers, des caresses sont prévues sur ces épidermes nombreux. OEuvres à voir et – pourrait-t-on souhaiter – à toucher tant leur « peau » frémit de mille émotions.
Parties voici quelques années d’une vision fragmentée, éparpillée, parcellaire quasi pulvérisée par je ne sais quel cataclysme, les toiles de l’artiste se structurent, se clarifient, se densifient au fil des années pour devenir comme pacifiées dans leur structuration finale et leur unité chromatique.
Il y a des oeuvres harmonisées sur une note bleue – le bleu mystérieux des hommes bleus du désert. D’autres unifiées sous des accords d’ocres chauds comme des terres du sud. D’autres plus diaphanes baignent dans une atmosphère d’aubes grises réchauffées par un vieux rose.
Hennou Ben Houssine a le sens de l’espace et de la poésie. Ses tableaux-objets jouent une petite musique rarement entendue. Son exigence et ses recherches incessantes devraient l’amener à évoluer vers une pratique sereine d’une peinture jubilatoire, dans l’aventure de tonalités et de matières nouvelles, dans l’exercice d’un geste pictural libéré.

Louis Richardeau
Mai 2009

Traces de vie

Si on demandait à Hennou Ben Houssine quelles traces l’attirent, sur les papiers, chiffons et menus objets, que nous qualifierions de rebuts, qu’elle utilise dans ses collages, elle répondrait sans nul doute : des traces de vie. Ce cercle d’étoffe ? un col de T-shirt. Ce relief énigmatique ? Un couvercle de batterie. Chaque chose a sa carte d’identité et son histoire.
Comme elle est féminine, la main qui les assemble avec une telle tendresse qu’aucun centimètre carré, malgré les dimensions imposantes des œuvres, n’est relégué au second plan. « All over painting », « peint sur toute la surface », disent les Américains. Nous pourrions traduire ici : chaque détail caressé avec le même impartial amour.
« Il y a d’abord chez moi, dit-elle, le plaisir de la couleur, mais seule, elle me priverait du plaisir tactile. »
Un de ses peintres fétiches est Paul Klee, et cela nous rappelle une expression de ce maître : « Brouter la surface du tableau », pour traduire cette adhésion amoureuse à la moindre parcelle de sa surface.
Cette Marocaine élevée dans une famille belge réside à Namur, à l’Académie de laquelle elle a suivi des cours de dessin, peinture et sculpture.
C’est sa première grande et magnifiquement prometteuse exposition.

Jacques Henrard
Décembre 2003
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